Jour 15 – Jour de Poya

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À chaque pleine lune, c’est jour de poya, les pratiquants boudhistes se rendent au temple, jeûnent en après-midi et s’abstiennent de loisirs et de luxe. Ils font des offrandes, reçoivent des enseignements et méditent. Ces jours sont fériés au Sri Lanka et respectés depuis des temps reculés. Chaque jour de poya est associé à un rituel bouddhique spécifique. Celui de décembre, Unduwap, célèbre la visite de Sangamitta, qui apporta une bouture de l’arbre de la Bodhi à Anuradhapura.

Avant de poursuivre sur ma journée, je veux revenir sur un des mets nationaux qui fut servi hier, le hopper (photo du haut). Il s’agit de crêpes concaves, frites avec art au-dessus d’une flamme, parfois servies avec un oeuf ou une banane. Hier, elles furent servies avec un oeuf. Les string hopper, un enchevêtrement de nouilles cuites à la vapeur, remplacent souvent le riz avec le curry.

Puis aujourd’hui le jour de poya arrive tout juste le lendemain de l’anniversaire du tsunami. Alors c’est tranquille en ville! Janaka donne congé à tous les volontaires pour faire ce qu’ils veulent (le jeudi après-midi est déjà congé pour tous en temps normal). Je décide d’aller travailler au Elder’s home tel que prévu à mon horaire, car j’ai quitté hier en disant à tous bye bye, see you tomorrow et Tom ira aussi faire ce qu’il était prévu à son horaire, soit aider à l’orphelinat chez les toddlers. Je lui ai offert de m’accompagner chez les gens âgés, il m’a répondu qu’il était incapable de toucher les gens âgés. Il m’est alors venu la pensée de lui souhaiter qu’il y ait des gens capables de le toucher lorsque son tour sera venu d’être âgé. Les autres iront à la plage.

Siri vient me conduire en tuk-tuk. Il conduit de manière quelque peu éreintante, mais je commence à mieux connaître les différents parcours. La conduite est affreuse au Sri Lanka. On dit ici que dans la mesure où l’on connait les règlements sur la conduite, rien ne sert de les appliquer.:-) En fait, la priorité de dépassement (car on dépasse constamment sur les rues toutes étroites) revient au plus gros: donc l’autobus dépasse tous les véhicules et les autres venant de l’autre côté s’arrêtent ou se mettent sur le côté, lorsqu’une voiture dépasse un véhicule, le tuk-tuk d’en face laisse le passage, et si un tuk-tuk fait un dépassement, le vélo ou moto d’en face laisse le passage. Vous comprenez?

Les soeurs et le personnel sont surpris de me voir arriver seule. Ils ne semblent pas avoir été informés du congé des volontaires. Je suis heureuse d’être là et je commence sans plus attendre ma tournée de massage. Certaines viennent me taper sur l’épaule pour m’indiquer qu’elle sera la prochaine et l’endroit où je devrai appliquer la crème :-). Comme dans toute société, certaines exigent et s’impatientent, d’autres attendent en silence et rendent grâce si leur tour arrive. C’est passablement intimidant, elles vous prennent les mains et les embrassent. Ouf…

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(Maria lisant son journal – elle voudrait bien me chiper mes lunettes qu’elle préfère aux siennes)

Ici, les hommes et les femmes ne se côtoient pas. Ils sont dans des ailes séparées. Je trouve cela un peu dommage, car ils pourraient faire certaines activités ensemble. Même nous les femmes volontaires ne pouvont faire de soins aux hommes. Ce que j’apprécie en cette matinée seule comme volontaire, ce que je ne suis pas impliquée dans des discussions croisées avec d’autres volontaires. J’offre une attention et une présence de meilleure qualité. Une des dames a la peau tellement mince, comme un papier de riz tout frippé, que je crains de la déchirer en la massant. Je ne fais qu’effleurer sa peau et pourtant celle-ci se déplace dans tous les sens comme si elle était détachée des muscles. Elle n’a plus de fascia, de tissu conjonctif.

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Konsi, la dame qui dort sur la photo ci-dessus, parle assez bien anglais. Vers 11h, je vois plusieurs dames se diriger vers une salle. Curieuse, je les suis pour voir où elles vont… Il s’agit de la chapelle. Elles se mettent à réciter le chapelet, je pense, car Konsi en égrène un. J’ai mon sac photo avec moi, je lui demande si je peux la prendre en photo, YES Loulou, qu’elle me répond. Elle me taquine, car 15 minutes plus tôt, je lui avais dit de ne pas m’appeler ainsi. Le temps que je fouille dans mon sac et prenne la caméra pour installer l’objectif, je me retourne vers elle… la voilà qui DORT! Au moment du massage de ses jambes, nous avons jasé un peu.

– Quel âge avez-vous?
Quel âge tu me donnes?
– Aaaahh, je suis pas bonne pour deviner.
Allez, quel âge tu me donnes?
– Baahh, 254 ou 255, maximum!
Hahaha, non, non tu dois deviner mon âge!
– Bon, d’accord. …82? (je mets un peu moins que ce que je crois)
Aie, c’est vrai que tu es pas bonne, j’ai 79 ans! Hahaha!

Elle est arrivée à cette résidence il y a plus de 20 ans, car il n’y avait pas d’autres ressources. Pas de mari, pas d’enfant. Elle chante des chants de Noël en anglais, d’une voix tout à fait juste, et je la suis en imitant une forte voix de ténor qui fait bien rire les autres pensionnaires. Je masse les mains, bras, jambes et pieds d’une dame qui n’a qu’un pouce à chaque main et qu’un orteil à chaque pied. Une autre a eu la jambe coupée lors d’un accident de train. Je ne peux m’empêcher de pouffer de rire en apercevant sa jambe de bois. Un pied noir avec les ongles d’orteils vernis en blanc y est sculpté. Je lui demande si je peux frapper sur sa jambe pour voir si c’est un vraie! Hey bien oui, alors une jambe de moins à masser! 🙂 Chacune me demande c’est quoi ma blessure au bras et toutes rigolent bien de la blancheur de mes bras. Pourtant, je me trouve un peu bronzée… je pense que demain matin, je vais leur montrer ma bédaine. Ça c’est de la blancheur mesdames! Hahaha!

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En début d’après-midi, je me trouve finalement un endroit pour pratiquer mon tai chi , lok hup et m’entraîner un peu. Il n’y a aucun recoin avec de l’ombre et le soleil me cuit en peu de temps. Les gens des environs me regardent avec amusement. Des gamins arrivent pour jouer au cricket – LE sport national. Ils sont bien contents de se faire prendre en photo. Nemanatha m’aperçoit et me fait signe de la main; je devrai m’arrêter pour les saluer, Lalith et elle avant de retourner « chez-moi ». Nous discutons pendant plusieurs minutes de sujets sérieux, mais j’y reviendrai dans un prochain post.

4 réflexions sur “Jour 15 – Jour de Poya

  1. Pierre-Yves Ste-Marie dit :

    Bonjour/Bonsoir Louise,

    Je viens (Mireille) de lire ton texte. Ouf ! je respire un peu pour toi car cette journée semble être un peu moins stressante que certaines autres. Ça doit leur faire du bien à ces dames de se faire masser… c’est toujours réconfortant. Et puis, un peu de taï-chi, ça c’est bon pour ton moral, non ? Nous on est plus chanceux que toi car on a réussi ou presque à toujours trouver de l’ombre pour faire notre taï-chi.

    Je te souhaite de belles autres journées avec des rencontres humaines vraiment impressionnantes. Je ne sais pas si je serais capable de faire ce que tu fais. Ça m’impressionne beaucoup.

    Allez, continue, profite de ce que tu vis, vois et découvres.

    Gros bisous, Mireille

    P.S. PY est en train de faire un somme alors je profite de l’ordinateur… !

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    • Salut Mireille,
      Mes journées ne sont pas tant stressantes, qu’INTENSES!! Oui, vivement le tai chi, mais surtout le bienfait de faire travailler son corps. Tu sais, j’ai la conviction que toutes les personnes me lisant, sont en mesure de faire ou de poser les mêmes gestes que je fais, SI elles en ont le désir. Bisous à toi et siesteux de mari! Hahaha! xxxx

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  2. Jean-BAptiste dit :

    Salut Louise,
    J’aime bien te lire le matin avec la lumière du jour qui se lève. Tes réçits me facinent et en même temps je me questionne sur le courant de la vie que tous avons à vivre ici-bas sur terre. Tu nous ramènes au quotidien si simplement par les gens que tu côtoies chaque jour par tes bons soins et attentions.
    Merci de pouvoir partager cela avec toi et ceux qui t’entourent. À bientôt

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    • Salut Jean,
      Oui, ce quotidien est tout plein d’ampoules qui s’allument et d’autres qui s’éteignent sur une certaine naiveté. Ce ne sera plus jamais loin pour moi ce qui se passe ailleurs. Merci d’être là! xxx

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